La 300 SE peut prétendre à sa place parmi les

La 300 SE peut prétendre à sa place parmi les créations de Paul Bracq dans la mesure où notre styliste favori avait été chargé par le bureau du style avancé de dessiner l'ensemble des baguettes destinées à l'ornementation de ce modèle. La 600 n'étant pas encore prête, elle a pris pendant dix huit mois le relais de la voiture de prestige lors l'arrêt de la production de la 300 Dora en mars 1962.

La voiture aura même un certain succès en France, malgré un prix de vente prohibitif équivalant trois DS 19. Comparée aux productions américaines, la Mercedes était moins tape à l'oeil, et d'un encombrement plus réduit, détail non négligeable quand il s'agissait de garer sa voiture dans un boxe fermé. De plus, seuls les vrais connaisseurs savaient apprécier la discrétion de cette voiture qui ressemblait trop à une simple 220.

Cette 300 SE ici présente avait été livrée neuve à Paris, où elle avait vraisemblablement été conduite par un chauffeur, comme en atteste l'usure du montant de la portière arrière droite auquel s'agrippait son propriétaire pour y prendre place. Elle prit ensuite sa retraite chez un transporteur en région lyonnaise, avant d'être cédée à un négociant en métaux qui a remisé cette belle voiture désormais hors d'usage au sec dans les sous sols de sa maison, plutôt que de la détruire.

Les années 70 ont été fatales aux berlines 300, bien trop coûteuses à l'entretien, et pour lesquelles les pièces détachées devenaient de plus en plus difficiles à trouver. Elles finirent toutes par tomber en panne de freins, spécifiques à ce modèle, ou par servir de banques de pièces pour réparer à des tarifs avantageux les coupés et les cabriolets de la même série.

C'est par le biais d'une petite annonce de la Vie de l'Auto que j'ai pu m'en porter acquéreur il y a quatre ans. J'entends encore l'épouse du propriétaire de la voiture me dire avec malice "bien sûr, vous aurez quelques petites réparations à faire pour la remettre en route..." après qu'elle eût compté prestement la douzaine de billets de cinq cents euros qui lui avaient été donnés en paiement de la Belle au Bois Dormant...

Cette remise en route a été bien plus ardue qu'on ne pouvait l'imaginer! Mécaniquement, tout était hors d'usage! Mis à part la suspension pneumatique qui, contrairement aux idées reçues, n'a jamais présenté la moindre fuite...

Le reservoir d'essence était rouillé, la pompe à essence usée, la pompe d'injection cassée par des essais de remise en route infructueux, les injecteurs grippés, le radiateur bouché, la pompe à eau fuyant telle une fontaine, les échappements crevés, les pneus durcis par l'immobilisation, le boîtier de direction pissant l'huile tout comme la pompe haute pression de la direction assistée, le servofrein hors d'usage...

J'arrête là une liste plus que longue de pièces qui durent être remplacées, et à prix d'or le plus souvent... Certaines baguettes décoratives spécifiques aux 300, produites en très petites quantités, se vendent elles aussi à des prix absolument inouis!

C'est épuisé, moralement et financièrement surtout, par trois ans d'une restauration dont je ne voyais toujours pas la fin, que j'ai décidé, l'été dernier, de passer la main en revendant cette néanmoins merveilleuse automobile qui n'avait au final jamais fonctionné correctement...

Elle a su plaire à un chirurgien dentiste bavarois qui posera encore quelques bridges et quelques couronnes en porcelaine à ses patients les plus fortunés pour parfaire la mise au point de sa très rare berline 300 SE à boîte manuelle...